Grégoire Samsa et la Filiation persécutive

Par Cathie Silvestre
Français

Piera Aulagnier a mené une longue réflexion sur la souffrance psychique, ses effets dévastateurs dont la psychose témoigne, et ses effets structurants puisqu’elle conjoint absolument épreuve de souffrance et épreuve de réalité. Sa théorisation fait occuper au corps une position centrale dont le concept de métabolisation témoigne. Le “fond représentatif”, expression de cette alliance énigmatique du corps et de la psyché, sera inlassablement interrogé pour nous permettre d’avoir accès à la pensée de l’impensable, traversée requise pour établir avec la psychose un lien qui ne soit pas de pure forme, mais aussi pour comprendre la plus proche névrose. La Filiation persécutive est un texte dans lequel elle envisage que le corps propre peut être requis, voire sommé d’occuper une place de persécuteur, pour épargner au Je un conflit dont il ne pourrait sortir indemne ou même vivant. Cette lutte pour la vie, celle du corps, celle de l’esprit, est abordée par P. Aulagnier avec fougue et détermination, nous offrant ainsi des outils de pensée précieux. La lecture conjuguée de ces textes et de Kafka fait apparaître une proximité troublante et insolite, passionnante si l’on se laisse guider vers les mondes intérieurs que ces auteurs nous offrent, chacun selon ses voies et moyens propres. Grégoire Samsa, le Singe de Compte rendu pour une Académie, l’Artiste de la faim, ou encore bien d’autres figures de l’imaginaire kafkaïen parlent d’une voix proche, familière dans son étrangeté, avec laquelle P. Aulagnier semble avoir noué un dialogue, peut-être sans le savoir ou le vouloir véritablement, ce qui n’est pas sans évoquer “la conformité profonde des conceptions” confortant le lien imaginaire de Freud à Schnitzler.

Mots-clés

  • Filiation
  • Persécution
  • Souffrance
  • Espace corporel
  • Réalité
  • Étrange fami- lier
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