La pensée est-elle apatride ?

Par Sophie de Mijolla-Mellor
Français

En tant qu’activité qui a sa fin en soi, la pensée théoricienne se met elle-même spontanément hors du monde. Abstraire implique de s’arracher à la quotidienneté, et de créer un entourage propice à cette néo-réalité que la pensée joue à construire. On reprendra ici les propos d’Aristote qui définit la vie de l’esprit (Bios theorèticos) comme une vie d’étranger (Bios xenikos) pour souligner que ce trait est de toutes les époques et de toutes les cultures. Mais face à cette extraterritorialité propre à l’intellect se dresse la situation concrète de ceux qui en sont les acteurs: que devient la pensée, qui se meut parmi les universaux, lorsque le penseur est arraché à ses repères familiers, plongé dans un bain de langage étranger, bref exilé? La situation des psychanalystes contraints à l’exil par la montée du nazisme est-elle comparable à celle d’Érasme ou de Spinoza qui constituaient autour d’eux un monde de la pensée en se déplaçant d’un pays à l’autre? On envisagera ici les destins de la psychanalyse en exil non seulement à partir du développement de la théorie, mais aussi vis-à-vis de la pratique clinique et de l’audience que cette nouvelle approche du psychisme pouvait trouver dans le public.

Mots-clés

  • Exil
  • Nazisme
  • Cosmopolitisme
  • Patrie
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