De l'ek-stase à l'extase

Par Dominique Fessaguet
Français

Parce qu’il lui fallait sortir de soi, échapper à la douleur, s’extraire de son corps menacé de toutes parts par les impacts du monde, G. Gould cultivait la « fugue » et le paradoxe : comment toucher à cette ek-stase, sinon en se repliant au creux de soi, dans l’univers clos de sa pensée par un jeu d’enveloppements semblables aux couches interminables et protectrices de ses vêtements ? Lorsque, plus tard, abandonnant les concerts et le monde, il s’enferma dans la solitude, retiré en lui-même, inlassablement, il s’abîmait en pensée dans le jeu du clavier et la musique. Il la désarticulait, la décomposait, la transformait, la re-créait enfin. Un piano dans la tête, il travaillait jusqu’à l’indicible de l’extase. Il existe chez G. Gould des mécanismes psychiques originaux qu’il applique à la musique : tout d’abord, travail de destruction des liens, isolation, qui ne sont pas sans évoquer des mécanismes schizophréniques sur la pensée, puis une transformation, sorte de ré-élaboration qui le sort de la destructivité, pour l’amener vers une créativité retrouvée, cette appropriation d’un langage musical détruit/créé l’amenant aussi à une ré-appropriation de soi. On pourrait parler d’un travail de la pensée qui recréerait la voix de la musique jusqu’à l’extase d’un auto- engendrement.

Mots-clés

  • Gould
  • Ek-stase
  • Musique
  • Extase
  • Pensée schizophrénique
  • Auto-engendrement
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